Voici le précieux témoignage que j’ai eu la chance de recevoir de Lisa, le dernier jour de 2020, afin de terminer l’année en beauté. Bonne lecture !
» En commençant ce suivi avec vous, j’avais pour objectif « de retrouver une relation moins compliquée à l’alimentation ».
Si je regarde mon alimentation en cette fin d’année, je ne suis pas sûre d’y voir une grande évolution ; ma façon de manger n’a pas fondamentalement changé ces derniers mois. Ou plutôt, les changements que je remarque, le principal étant d’avoir moins d’obsessions pour certains aliments, me semblent tellement récents et fragiles que je n’ose pas me réjouir trop vite. En plus de la compréhension des mécanismes corporels et psychologiques à l’œuvre dans le chemin vers une alimentation moins contrôlée et plus intuitive, je retiens deux choses :
- sur mon végétarisme et ma volonté de tendre vers une alimentation plus végétale : je me suis rendue compte que le fait de quasiment supprimer le fromage et les aliments « ultra-transformés » contenant des produits d’origine animale, à un moment de ma vie où j’étais en « rééquilibrage alimentaire », a probablement accentué le fait que ce soit les aliments que je consomme beaucoup actuellement. Avoir fait ce lien me permet de mettre au second plan la culpabilité que je peux ressentir. Je me dis de plus en plus « chaque chose en son temps ».
- que je suis concernée par la restriction cognitive : j’avais des doutes car comme la perte de poids n’était pas le but de ce suivi et que je rejette toute idée de régimes, je pensais m’être libérée de cette restriction cognitive. Finalement, je me rends compte que c’est beaucoup plus complexe que ça, que cette restriction a beaucoup à voir avec mon rapport au corps, qui est loin d’être apaisé, avec cette insatisfaction corporelle constante, qui fait que l’envie de changer mon corps est toujours présente. Je crois qu’il me reste un gros travail à faire sur les pensées (irrationnelles ?) dont je vous parlais la dernière fois (« je ne mérite pas ou je ne devrais pas suivre cette approche car je suis beaucoup trop grosse et que d’autres personnes dans mon cas auraient déjà repris un régime ou envisagé une chirurgie bariatrique. »)
Au sujet de mon rapport au corps, j’ai aussi pris conscience que la relation que j’ai avec lui a beaucoup influencé ma façon de vivre et d’être par rapport aux autres, et encore plus depuis que j’ai pris du poids. À trop faire reposer mon bien-être sur mon apparence, j’ai oublié (ou je ne l’ai peut-être jamais su, d’ailleurs) que j’étais plus que mon corps, qu’il ne pouvait pas entièrement me définir. Et même plus encore que l’apparence, c’est la honte de ce corps, de ce que je pense renvoyer aux autres qui rend difficile, voire impossible, des relations apaisées. Je crois que c’est une émotion qui m’accompagne depuis longtemps, mais c’est seulement cette année que je le conscientise. La honte de mon corps, d’avoir autant grossi, la honte de manger en public, la honte de ce que je suis. Elle s’est accentuée il y a 4 ou 5 ans, au moment où mes compulsions alimentaires étaient les plus fortes. Je me demande à quel point elle a affecté mon rapport aux autres. Beaucoup, je crois. Elle m’a poussée progressivement à m’isoler, puis à me couper des autres de manière assez radicale. Le premier confinement m’a remise assez violemment face à cette solitude, moi qui avais fini par me penser plutôt solitaire. Je crois pourtant avoir besoin des autres, besoin d’être entourée pour avancer, et j’aimerais réussir à soigner mes relations, qu’elles soient amicales, amoureuses ou familiales. Vaste chantier !
Bien au-delà de l’alimentation et du rapport au corps, ce suivi m’aide à faire ce que je n’avais jamais ou très rarement fait : j’apprends à me connaître pour la première fois de toute ma vie. C’est loin d’être facile, ça m’oblige à me poser des questions que j’ai toujours évitées (en vrac : mes émotions, mes relations aux autres, à ma famille, à mon corps, etc…) et ça me fait conscientiser et mettre des mots sur des comportements qui ne sont pas toujours agréables à vivre. C’est angoissant de se retrouver face à ses peurs et à ses insécurités, et de ne plus avoir le filet de sécurité qu’est l’évitement pour s’empêcher de les vivre. C’est aussi difficile car ce travail me met face à mes contradictions sur mes idées féministes et militantes que je n’arrive pas à m’appliquer : l’importance accordée à l’apparence et ma grossophobie intériorisée, notamment. C’est un travail pourtant nécessaire, vital même. J’ai souvent tendance à me dire que j’ai perdu du temps, que j’ai gâché un paquet d’années à éviter de me retrouver face à moi-même. Avec plus d’indulgence envers moi en cette fin d’année, j’aurais plutôt tendance à me dire qu’il y a 3, 5 ou 10 ans, ce n’était pas le bon moment. Si ça l’est actuellement, c’est en partie parce que j’ai l’immense privilège (et je crois que c’est particulièrement important à prendre en compte après l’année qui vient de s’écouler) d’avoir les moyens matériels, financiers et la disponibilité mentale qui me permettent de faire ce travail.
Ce cheminement a une conséquence assez incroyable : l’envie d’être quelqu’un d’autre s’estompe. J’ai passé une bonne partie de ma vie, depuis que je suis enfant, à avoir en moi l’image d’une autre idéalisée, fantasmée. Je crois que cette image de moi en mieux (ce « mieux » dans ma tête c’était d’abord mince, puis possédant toutes les qualités que j’estimais qu’il me manquait), même si elle m’a sûrement fait beaucoup de mal, m’a aidée à tenir par moment. C’était mon refuge. Si bien que j’ai besoin de faire un effort conscient pour ne pas faire appel à cette image, pour apprendre à m’en détacher, surtout dans les moments difficiles. C’est pourtant absolument nécessaire pour moi en ce moment et je suis reconnaissante d’arriver à le faire de plus en plus.
Le chemin me semble encore long mais j’ai de plus en plus cette sensation d’être en mouvement, de ne plus être figée et c’est tellement agréable. Merci Zoé pour votre accompagnement, votre écoute et votre compréhension, pour l’élan qu’elles m’apportent. «